De Stockholm à Grenade, sans les masques

Granada, la ville qui m’a introduite au monde du street art. Tout a commencé avec cette opportunité de Housesitting au coeur de l’ Albaicìn… pour finir en une peinture mural de vingt mètre de long pour honorer la fin de la pandémie.

Ma première peinture murale sur un mur de rue

22 avril 2022. Mon séjour à Grenade a commencé froid, pluvieux et épuisant. J’avais pris le mauvais bus et dû me démener pour faire monter mon chariot jusqu’au sommet de l’Albaicín (la vieille ville bâtie sur une colline), où j’avais loué un Airbnb. La chambre était au sous-sol, on ne pouvait rien acheter à proximité et j’avais du mal à communiquer en anglais avec mon hôte. En plus de cela, on m’avait dit que la cuisine ne pouvait être utilisée par les invités ! Le seul bon côté des choses était les montagnes, à seulement quelques pas de la maison : j’étais dans la toute dernière rue, la plus haute de la ville, et plus loin ne s’étendait que des collines entourées des sommets blancs de la Sierra Nevada à perte de vue. C’était comme si j’avais ouvert la porte de Narnia, passant du placard à un décors enchanté. Partout dans l’Albaicín se promenaient des musiciens au look bohème jouant de la guitare ou de l’harmonica. Dans les montagnes, les gitans vivaient dans des grottes à la fois isolée en pleine nature et pourtant à quelques pas de la ville. Certains d’entre eux utilisaient des rideaux au lieu de portes ; quand je repérais une de ces habitations au détour d’un sentier, c’était d’abord en rencontrant son propriétaire, dont je garde le souvenir d’un gypsy aux allures de Jack Sparrow, assis devant son habitation, un fidèle compagnon à quatre pattes à ses côtés.

Mon « supercart », tout en haut de la vieille ville

Bien que ce séjour n’eut pas commencé de façon très glorieuse, la chance a vite tournée ; Après avoir mis en ligne mes annonces habituelles pour trouver une opportunité de peinture murale, une française (que j’appellerais plus tard ange gardien !) m’a proposé de garder une maison au cœur de l’Albaicín pendant deux mois. Apparemment, la personne qui louait avait dû partir pour une raison de visa. En échange, je n’aurais qu’à arroser les plantes du patio et réparer quelques petites choses. C’était une opportunité en or qui allait m’ouvrir de nouvelles portes, artistiquement parlant. Cette fois, comme je ne payais pas de loyer ni ne devais travailler pour un hôte, j’avais décidé qu’il était temps pour moi d’investir – quelque chose que je faisais si rarement. Depuis quelques semaines, j’avais en tête de peindre quelque chose en rapport avec la fin de la pandémie et le règne des masques sur un mur de rue, sans savoir comment faire pour obtenir l’autorisation de réaliser un projet n’étant pas mandaté. Il était temps de me mettre à chercher…

Un des tous premiers diners « à la maison », avec probablement les meilleurs amis que j’ai eu depuis de nombreux mois

C’est une autre femme, Grenadienne d’origine, autre rencontre inoubliable de cette ville où tout semblait possible, qui m’a finalement trouvé le mur parfait. Une hôte Workaway, avec qui j’étais en contact avant de trouver cette opportunité de housesitting. Elle vivait dans une maison blanche typiquement andalouse, avec un patio et un jardin potager a qui elle et sa famille donnaient beaucoup d’amour. À quelques mètres de là, en suivant un petit chemin piétonnier menant à la rue principale, un long mur rempli de vieux tags appartenant au bar d’à côté. Apparemment, l’établissement avait par le passé demandé au célèbre muraliste local El niño de la pinturas de le recouvrir d’une de ces magnifiques fresques, mais cela ne s’était pas fait. Ce mur était sans aucun doute fait pour être le mien !

La première semaine – il restait tout à faire !

Le seul « problème » était la taille de la chose : vingt mètres de long ! Au début, je ne  pensais qu’en peindre qu’une partie ; le projet initial représentait une femme retirant son masque tout en respirant de soulagement. Mais rapidement, je me suis rendu compte que si je ne peignais qu’une portion du mur, celui-ci ne serait que peu remarqué. De plus, avec le temps, j’aurais plus de risques de voir des tags prendre le dessus.

« De Stockholm à Granada, sans les masques »

Après deux mois de travail acharné sous un soleil de plomb, débout sur une palette que je devais sans cesse déplacer d’un bout à l’autre du fossé, je suis finalement venue à bout des vingt mètres de mur ! Plus de 220 heures de travail acharné entre larmes et euphorie, à discuter avec l§es passants et amis qui venaient chaque jour voir le travail avancer. Car ce n’était pas seulement une performance pour moi que de faire une pièce aussi grande pour la toute première fois, c’était aussi une expérience sociale. Il s’agissait d’interagir avec les gens du quartier, de leur apporter quelque chose de nouveau.

Beaucoup venaient m’interroger quand à la signification du mur, racontant bien sûr mon histoire, représentant la Suède où je m’étais « cachée » pendant près de deux ans pour fuir le restrictions liées à la pandémie. Ce mur je voulais qu’il symbolise la liberté post-pandémique, la fin d’un début de dictature – et non pas qu’il divise les gens sur la façon dont les choses avaient été gérées en ce temps là. Qui veut porter des masques de toute façon ? On veut tous que ça se termine, d’une façon ou d’une autre…

Au milieu du mur j’ai décidé de représenter Anders Tegnell, l’épidémiologiste suédois ayant donné à de nombreux européens une chance de vivre sans se confiner, dans un pays que j’ai fini par adopter à 100%. A ses côtés, sous le drapeau suédois, une usine d’incinération des déchets brulant des piles de masques usagés ; en tant que pays le plus efficace en matière d’incinération des ordures et à défaut de porter des masques, La Suède peut bien s’occuper de les faire disparaître 🙂

Le vernissage, une vingtaine de personnes sont venus prendre l’apéro !

Entre deux coups de pinceau, j’ai aussi trouvé le temps d‘aller chanter dans les ruelles blanches pavés de la vieille ville, me libérant de mes émotions à travers des versions a capella d’Edith Piaf et de Charles Aznavour. J’ai aussi rejoint les artistes vendant leur dessins sur les marches descendent vers la cathédrale de l’incarnation depuis la maison où j’avais la chance de loger. Grenade, ton ambiance bohème va me manquer…

Voir plus de photos du mur ici 
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