Un été de festivals d’art urbain (+attaquée par une junkie !!)

Festival d’art urbain « Les billes s’agitent » à Torreilles, France

Après avoir paint mon plus grand mur extérieur à Grenade pour honorer la fin de la pandémie, on me proposa de participer à mon premier festival d’art urbain près de Perpignan, France. Un peu plus tard dans l’été, j’allais être sélectionée pour un autre festival en Calatogne.

5 juillet 2022. Je venais de vivre ma pire expérience de Workaway dans le désert andalou, craignant pour ma vie. Après avoir été amené par deux policiers peu convaincus dans un motel du bled le plus proche (non desservi par des transports publiques faute de demande), je levai le pouce sur 150 kilomètres pour revenir dans la maison de l’Albaicín de Grenade que j’avais tant chérie ces deux derniers mois. Mais de nouveaux home-sitters allaient arriver deux jours plus tard, et je ne savais vraiment pas où aller.

Après avoir pris le temps de me poser et réfléchir, je réservai finalement un bus pour Orgiva où se trouvait la communauté Beneficio, accueillant environ deux à trois cents hippies vivant dans des tentes ou autres maisons de fortune. La vie communautaire hors de la société m’avait toujours attirée, ainsi que tout mode de vie ne nécessitant pas de s’enregistrer à un office de la population.

Mais le soir même, je reçus un appel qui allait changer mes plans. Depuis un moment, je songeais à peindre une autre fresque non mandatée pour honorer la mémoire de Pierre Rabhi, un écrivain, essayiste, agriculteur et écologiste franco-algérien que j’appréciais énormément et qui venait de décéder. Après avoir envoyé un croquis dans un e-mail décrivant le projet, c’est l’organisatrice d’un festival d’art urbain qui me contacta par téléphone. le festival (qui aurait lieu pour la toute première année) se déroulerait dans une ancienne usine viticole, et s’ouvrirait au public avec des concerts et food trucks après que tous les murs intérieurs et extérieurs aient été recouverts de peintures murales. Le thème donné était « L’océan et son environnement », et une dominante de nuances de bleues ne tarda pas à remplacer les murs sales et tagués du bâtiment abandonné. Je n’aurais pas plus de deux semaines pour peindre la surface de 4 x 3,50 mètres qu’on m’attribua, ce qui était relativement peu pour moi qui travaillait dans le détail et aux pinceaux. Mais je décidai de relever le défi, et de me lancer dans cette nouvelle aventure !

 

Après huit heures de train le long de la mer méditerranée j’étais arrivée à destination, à quelques kilomètres seulement de la frontière espagnole. Je fus tout d’abord hébergée dans un camping-car avant de monter ma tente une fois les bénévoles arrivés pour l’ouverture du festival. C’était la première fois que j’utilisais ma petite maison de toile depuis que j’avais arrêté la marche en itinérance deux ans auparavant. Je ne rencontrai que peu d’artistes, la plupart d’entre eux ayant déjà fini de peindre leur mur. Apparemment, certains étaient assez connus dans le monde du Street Art.

Comme d’habitude, j’étais si lente que j’eus à peine le temps d’explorer les environs. C’est tout juste si je réalisai que je me trouvais dans un village côtier, à seulement quelques kilomètres de la méditerranée. Le village de Toreilles était typique de l’idée que l’on se fait de la France, une boulangerie, quelques terrasses, une épicerie sur la place. Hélas le festival fut une expérience des plus stressantes, il y régnait une telle agitation que je ne pouvais m’y sentir à l’aise. Mais un sentiment de nostalgie me saisit toujours à la pensée de cette première rencontre avec le monde du street art ; cet immense bâtiment industriel contrastant avec les fresques géantes… une démesure qui fit de ce festival un grand succès.

 

Un bref été de solitude à Valence, Espagne

Un autre lieu, un autre temps, une autre vie éphémère. Deux semaines après avoir pris le train pour Perpignan je retournai vers le sud, à mi-chemin vers Grenade. Si je détestais l’idée de revenir sur mes pas, j’avais reçu une offre pour peindre sur la façade extérieure d’une école de langues à Valence que je ne pouvais refuser. Je vivrais dans l’appartement du boss, absent en août (il emmenait son fils de six ans en vacances en Thaïlande). Je devrais partager l’appartement avec une jeune réfugiée ukrainienne qu’il venait de prendre sous son aile, qui invita plus tard sa sœur à s’installer avec nous. Drôle de cohabitation, aucune de nous ne payait de loyer, ce n’était ni un Airbnb ni une colocation, seules les circonstances aléatoires de la vie nous avaient amenées à vivre ainsi ensemble.

Valence ne fut cependant pas la période la plus heureuse de l’année pour moi. Il faisait tellement chaud et humide que je développai une éruption cutanée avec des démangeaisons sur tout le corps (!). Je ne pouvais pas dormir, même le ventilateur allumé en permanence ne faisait pas grand chose à part me rendre sourde. 

Les soeurs Ukrainiennes n’étaient pas très bavardes, elles n’étaient visiblement pas ici de gaité de coeur. Des filles intéressantes cependant, deux artistes – l’une créatrice de vêtements et l’autre tatoueuse. L’une avait trouvé un emploi dans un café, l’autre envisageait de déménager à Londres. Elles étaient comme moi au final, ne sachant où aller à la fin du mois. Sauf que moi, j’avais choisi ce mode de vie. 

Il y eut aussi cette brève amitié avec une allemande, avec qui je partagea quelques agua de Valencia au bord de la plage en fin de soirée (seul moment de la journée où la température était supportable). Peu de monde semblait vivre ici en août, les rues étaient plutôt désertes et quand je ne peignais pas, un sentiment de vide me frappait, je n’avais même pas envie d’explorer la ville.

Mais quand une junkie commença à s’attaquer à ma peinture, ma vie redevint un drama show. Pour des raisons obscures, la jeune femme maigrichonne à qui il manquait des dents et dont les bras et les jambes étaient couverts de traces de piqures surgit un jour de nulle part pour m’arracher la peinture des mains et saboter mon travail avec des pentagrams. Après deux attaques, l’un des deux hommes travaillant pour l’école dû rester en permanence à mes côtés pendant que je peignais, utilisant un balai pour effrayer la jeune femme à chaque fois qu’elle s’approchait.




Jamais aussi bien entourée

Comme je m’améliorais en termes de délais, je pouvais me permettre de déménager (encore) plus souvent. Après avoir fini mon mur pour Olingo language School dans les délais malgré les nombreuses tentatives de sabotage, j’étais attendue pour une autre fresque chez des particuliers, dans un village à une trentaine de kilomètres de Valence. Mes hôtes, un couple de Belges, comptaient parmi les gens les plus funs, sympathiques et ouverts d’esprit que je n’avais jamais rencontrés. On mangea tous nos repas ensemble, ils m’invitèrent même à diner chez leurs amis, qui cuisinaient des paellas incroyables. Je leur laissai un paysage de 25 mètres de long représentant l’Albufera de Valence au bord de la piscine, profitant de l’eau fraîche entre deux coups de pinceau.

 

Pour finir l’été en beauté…

Courant août, je reçu la meilleure nouvelle de l’année. Avec huit artistes, j’avais été sélectionnée pour peindre sur les murs d’une petite ville appelée Torrefarrera, à une centaine de kilomètres à l’ouest de Barcelone. Cette incroyable nouvelle devint une chose à laquelle s’accrocher les mauvais jours ; mon objectif de devenir un artiste reconnue allait dans la bonne direction !

C’était une autre aventure, de nouveaux personnages, une nouvelle petite bourgade digne d’un roman de Stephen King. Pas de camping cette fois, j’étais hébergé en grande pompe dans un trois étoiles avec entrée-plat-dessert midi et soir ! Se réunir autour d’un repas avec le groupe me rappela le bon vieux temps de Sagasfeld en Allemagne, où je logeait avec de nombreux workawayers dans un hotel Ayurveda pour lequel je réalisai une de mes premières fresques.

Même si j’avais tout de même douze jours pour peindre (jusqu’à deux fois plus que certains des artistes), je ne pus m’empêcher de me surmener et de finir en dépression nerveuse. Heureusement je me convint cette fois de commença à utiliser le spray, réalisant mon avenir dans le Street Art n’allait pas durer si je continuais exclusivement au pinceaux. Les propriétaires de l’immeuble et les voisins étaient des gens mémorables, m’apportant au quotidien plus de nourriture et de boissons que je n’en reçus en deux mois de chemin de St-Jacques ! 




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